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jade du commandement. Et le Lion de Chi-Tse-Po n’a pas été vaincu par un homme. Il était trop fort, trop beau, trop puissant ; il faisait peur aux plus formidables. Un Pou-Sah seul a pu le renverser. Maintenant le peuple qui l’acclamait courbe la tête ; les bouches se taisent. Mais les cœurs murmurent, et bientôt on cherchera les traces du Grand Laboureur. On dira : « Voici d’où il est parti, voilà par où il a passé. Là il y avait une ville, ici un peuple ; la ville est détruite, le peuple a disparu ; Ta-Kiang a écrasé l’une et égorgé l’autre. Pourquoi ? parce qu’au-dessus de la ville flottait la bannière jaune, et que le peuple était composé de Tartares, de Mon-Gous ou de Men-Tchous. » On se remémorera ses paroles et on dira avec lui : « Dans notre propre palais nous couchons à l’écurie, tandis qu’un étranger dort, dans notre lit somptueux ; au lieu de l’étrangler et de jeter son cadavre aux chiens, nous tremblons sur la paille entre les jambes de ses chevaux. Nous sommes dépouillés, bafoués, méprisés ; on nous refuse les hautes fonctions de l’État, on vole notre argent et l’on nous dédaigne. Si un Tartare prend pour femme légitime une Chinoise, il est aussitôt destitué de ses grades, ruiné, déshonoré, comme s’il s’était allié à une famille criminelle. Enfin, nous qui sommes les maîtres, nous ployons les reins, nous courbons la tête et nous disons : Bien ! bien ! à tout cela. » Et vous tous qui répéterez ces paroles de Ta-Kiang, vous secouerez votre front, vous dresserez votre taille, et, croisant les bras, vous regarderez l’ennemi en face. Si vous êtes vaincus, d’autres