Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/313

Cette page a été validée par deux contributeurs.

daient la mort avec fierté, et les plus faibles s’agenouillaient suppliants.

Belle et sanglante, la veuve de Gou-So-Gol apparaissait encore sur son cheval harassé. Elle leva les yeux vers les nuages et s’écria :

— Ô mon époux ! voici la bataille finie. La triste défaite s’abat sur nous comme une pluie de pierres. Bourdonnante, elle souffle l’effroi dans l’oreille des guerriers qui se courbent comme sous une menace terrible. Qu’adviendra-t-il de ceci ? Je l’ignore ; mais le combat est terminé, et je vais te rejoindre, selon ma promesse.

Ayant parlé ainsi, la jeune femme tourna vers elle son glaive, se trancha la gorge, et tomba en arrière sur son cheval qui s’emporta.

Ko-Li-Tsin seul résistait encore. Le gai poète avait glorieusement combattu. Ses sabres ruisselaient ; un sang tiède coulait dans ses manches ; et il semblait Koan-Ti lui-même. Au cri poussé par le prince Ling, un affreux blasphème s’était échappé de ses lèvres. Il étrangla le premier qui, auprès de lui, répéta les paroles funestes, et enfonça son glaive dans la gorge du second qui proclama le miracle. Mais bientôt l’armée vociféra tout entière. Ko-Li-Tsin entendait toutes les bouches révéler le vénérable mystère, et il s’enfonçait les ongles dans le front ; il essaya de rejoindre Ta-Kiang pour le défendre, mais quatre soldats tartares se ruèrent sur lui simultanément et il fut obligé de se réfugier dans une petite ruelle solitaire. Les quatre hommes l’y poursuivirent, et pendant qu’il s’adossait prudemment à