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son adversaire, n’échappait à l’étouffement que par les mille torsions de ses membres souples. Mais l’étreinte affreuse se resserrait lentement. Ils bondissaient, se courbaient, se relevaient ; le grand soleil, luisant sur les broderies de leurs costumes, les faisait ressembler à deux grands poissons hors de l’eau. Cependant le prince Ling se dégagea d’un effort suprême, s’éloigna de quelques pas, chancelant, prêt à s’évanouir ; et il resta ainsi quelques instants, le regard fixé sur son ennemi.

Alors, soudainement, son visage, mouillé de sueur et de sang, exprima un ravissement démesuré. Ses yeux se remplirent de triomphe, et levant les bras, il cria avec la voix de Lei-Kong, Roi du tonnerre :

— L’ombre du Dragon Impérial marche derrière toi, Ta-Kiang ! Tu devais t’élever jusqu’au trône du Ciel, mais j’ai révélé le miracle et renversé la destinée.

Ta-Kiang devint blême comme la lune. Il poussa un rugissement terrible, bondit sur le prince et le renversa sur les dalles.

— Misérable ! grinçait-il, les dents serrées, une écume rouge à la bouche, tu as prononcé tes dernières paroles !

Et appuyant le genou sur la gorge du prince, il l’écrasait horriblement. L’Héritier du Ciel étendit les bras, ses doigts crispés égratignèrent les dalles lisses, son visage s’empourpra, un flot de sang monta à ses lèvres, il ferma les yeux.

Cependant Chinois et Tartares, ayant entendu la parole de Ling, répétaient de toutes parts :