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ta voix. Pourquoi n’es-tu pas venue, parjure, lorsque je t’attendais si confiant ? Pourquoi t’es-tu faite insaisissable pendant que je fouillais la ville, pendant que je faisais comparaître devant moi toutes les jeunes filles qui l’habitent, depuis la plus noble jusqu’à la plus humble ; dis, cruelle enfant, dis, pourquoi n’es-tu pas venue ?

— Tu veux le savoir ? répondit Yo-Men-Li. Parce que tes soldats m’avaient prise et emprisonnée ; pendant que tu me cherchais j’étais sous ton palais, dans un cachot que le jour n’a jamais vu.

— Toi ! tu as souffert ? s’écria le prince avec désespoir, on t’a mise dans ces affreux cachots noirs et humides, dans ces cachots qui me font triste quelquefois la nuit ! Oh ! quel supplice inventer pour ceux qui ont osé cela ? Toi, en prison ! Pendant que je me tordais de désespoir et que je m’empoisonnais lentement d’opium, tu te mourais horriblement dans l’ombre ; tes beaux yeux s’agrandissaient d’effroi, ton doux visage palissait loin du soleil ! Oh ! qu’il est pâle, ton visage ! on croirait voir la lune poudrée de gelée blanche. Mais pourquoi t’avoir prise à mon amour ? pourquoi t’avoir torturée, tandis que je pleurais ?

— Apprends, dit Yo-Men-Li, que je suis ton ennemie. Complice des révoltés, c’est moi qui a frappé ton père. Je t’ai menti le soir où je t’ai vu parce que je voulais sortir du palais pour aller dire à Ta-Kiang de fuir.

Le prince Ling recula, avec un cri de douleur.

— Tu as voulu tuer mon père, Kang-Shi, le plus