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tions des parents me suivent comme un essaim énorme d’oiseaux funèbres. Un jour j’ai envoyé une caisse pleine d’oreilles droites au gouverneur d’une province ennemie. Qui donc pourrait l’emporter sur moi, si ce n’est toi, ô maître ?

Un seul n’avait pas parlé : c’était Gou-So-Gol. L’empereur l’aperçut et lui fît signe d’approcher.

— Vainqueur de Sian-Hoa, dit-il, tu es le plus digne ; sois glorieux.

Tous les chefs alors sortirent de la tente, acclamant Gou-So-Gol et disant aux guerriers : « Voici le vainqueur choisi par le Frère Aîné du Ciel ! » Et tous les guerriers devant lui frappaient du front la terre. Gou-So-Gol rayonnait. Parfois cependant, à un pli furtif de son front, on devinait qu’une pensée amère se mêlait à la joie de son triomphe.

Une heure plus tard, en face de la tente impériale, se dressait un autel de marbre rouge, sculpté et incrusté de pierreries, devant lequel on avait placé un large bassin d’or aux anses formées de dragons contournés ; derrière l’autel, sur un grand piédestal, apparaissait Koan-Ti, Pou-Sah des batailles, dont la posture menaçante, en des habits couleur de sang, brandit deux sabres teints de rouge, dont le dos est un buisson de flèches, et dont le visage effroyable, noir comme l’ébène, se hérisse de poils rouges.

Ta-Kiang songeait sur son trône. Toute l’armée était immobile et silencieuse. Une musique formidable se fît entendre ; le gong ébranlait l’air de ses vibrations terribles ; et seulement quand sa voix