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— Je me lasse, dit Ta-Kiang.

— D’écouter les vers que j’improvise ? Cela ne saurait être. Enfin, reconnaissante d’avoir retrouvé en ma compagnie ses sourires d’autrefois, la jeune veuve voulut, quand je partis, me donner en souvenir d’elle une large ceinture pleine de liangs d’or. Je me défendis d’abord d’accepter, objectant que la joie d’avoir obligé une si gracieuse femme me récompensait au delà de mes mérites ; mais elle insista de telle façon que, dans la crainte de lui déplaire, je dus recevoir son présent.

— Achèveras-tu ? cria Ta-Kiang.

— Je n’ai pas tiré un seul liang de cette ceinture, continua Ko-Li-Tsin ; ne la refuse pas, car l’argent est utile pour voyager au loin.

— Tu pouvais m’épargner le récit, dit Ta-Kiang en acceptant la ceinture.

Yo-Men-Li, timidement, reprit la parole.

— Je ne possède qu’une bien faible somme, murmura-t-elle. Depuis longtemps je l’amassais ; elle était destinée à acheter mes habits de noces ; mais maintenant je ne me marie plus. Si Ta-Kiang daigne la recevoir des mains de sa servante, Yo-Men-Li sera très heureuse.

Elle versa une petite poignée d’or dans la main de celui qui avait été son fiancé. Ta-Kiang cria :

— Partons !

Les trois aventuriers se mirent en marche. Ils se dirigèrent silencieusement vers une colline lointaine, au delà de laquelle passe la route qui conduit à