brées d’une multitude d’hommes élégants qui ne se promenaient pas ; ils étaient réunis par groupes et se parlaient avec animation.
— On prétend que l’armée approche, disait l’un.
— On croit même qu’elle entrera avant la nuit dans Pei-King, ajoutait l’autre.
— Il y aura de belles fêtes, disait un troisième.
Le religieux grinça des dents.
— Les misérables ! disait-il, pour eux, tout ceci n’est qu’un jeu et qu’une distraction.
Dans un autre groupe composé de Tartares il saisit ces mots :
— On dit que les mandarins de Kang-Shi sont revenus pleins d’épouvante des Montagnes Fleuries. L’empereur les a quittés pendant la chasse. Sans doute il s’est enfui. Que veut-on que nous fassions, nous, si le maître nous abandonne ?
Entendant ceci, le religieux pressa le pas.
Devant la porte de la Cité Jaune, au centre d’une foule, il vit un homme assis sur le dos d’un lion de cuivre ; il était richement vêtu, et le bouton de rubis rougeoyait sur sa calotte. Près de lui une élégante femme s’appuyait à la croupe du lion.
— Quelle joie on éprouve, disait-il, à redresser son corps lorsqu’il est resté longtemps courbé, à étirer lentement ses membres, à bâiller et à reprendre peu à peu une posture normale ! Les prisonniers mis à la cangue, les poltrons réfugiés dans des coffres, connaissent le bonheur de s’étendre à l’aise lorsqu’ils sont délivrés ou rassurés. Mais les Chinois, plus que tous, vont éprouver une joie immense et