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effort irrésistible, il se dégagea et enfonça un sabre dans la gorge de l’ours, qui tomba sur le dos et ne remua plus.

— Mais, dit l’empereur haletant et souillé, pendant que je tuais l’ours, le joli daim blanc s’est enfui.

Il se trompait. En promenant ses regards autour de lui, il le vit à mi-chemin de la colline, furtif, aux grands yeux ouverts.

— Ah ! dit-il en s’élançant à sa poursuite, j’ai risqué ma précieuse vie pour sauver la tienne ; je veux au moins te conquérir et t’amener avec moi.

Le daim parut d’abord voir venir l’empereur sans inquiétude ; mais lorsqu’il le jugea un peu trop proche, sans doute, il bondit soudain en avant, puis à peu de distance, il s’arrêta encore. Kang-Shi continua à courir. Toujours le charmant animal feignait de vouloir se laisser prendre et s’enfuyait subitement ; mais, tout à coup, sans que le sentier eût tourné, le daim blanc disparut.

— C’était décidément le Génie de la vallée ! dit l’empereur en s’arrêtant.

Comme il achevait cette phrase, la petite bête blanche avança la tête hors d’une grotte naturelle ouverte sur le chemin.

— Ah ! s’écria le Fils du ciel, tu es rentré dans ta demeure, tu ne m’échapperas plus.

Mais lorsqu’il mit le pied sur le seuil de la grotte il se trouva en face d’un Solitaire grave et serein, qui s’inclina devant lui.

Ce sage, ce philosophe, ce disciple de Kong-Fou-Tze et de Lao-Tze, portait une ample et longue robe