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L’infâme multitude ricane sans pitié. Une flèche cruelle vient emplir la bouche du gouverneur, et son discours s’achève en un vomissement rouge. Mais Gou-So-Gol se retourne plein de courroux ; il démêle dans la foule le soldat qui a lancé la flèche, saisit à son tour un arc et cloue le rire à la gorge du traître : puis il se dirige vers le palais du gouverneur et seul y pénètre, défendant à tous de le suivre. Il enjambe les marches des escaliers de laque et traverse de grandes salles ; il se trouve bientôt en face d’une jeune fille belle comme Miao-Chen ; elle tient un sabre de chaque main et barre une porte avec un air de courage et de décision.

— Tu n’entreras pas, monstre sauvage ! crie-t-elle les dents serrées. Tu ne vas pas, sous mes yeux, égorger ma vieille mère, et tu mourras avant d’avoir fait cela !

Gou-So-Gol regarde la jeune fille sans insolence et s’incline devant elle.

— Belle guerrière, dit-il, je veux te parler avec politesse. Tu es mon bien, et je n’aurais qu’à te prendre ; mais tes yeux fiers, ta voix impérieuse ont troublé mon cœur farouche, et je te demande si tu veux être la première épouse de Gou-So-Gol, le chef glorieux.

— Je ne m’approcherai de toi qu’avec répugnance, répond la jeune fille ; mais si tu me promets d’épargner ma vieille mère et de la faire respecter par tes soldats, je consentirai à te cacher le dégoût que tu m’inspires.

— J’ai déjà vengé la mort de ton père, dit Gou--