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féroces lui sont soumis comme des esclaves, dévoués comme des fils ; à sa voix l’ivresse se dissipe, la débauche s’interrompt ; sur un signe, ils se précipitent dans les flammes pour étouffer l’incendie avec leur corps, et s’il les juge criminels ils se retirent à eux-mêmes leurs vies coupables.

Une double haie de soldats agenouillés, qui forme une longue allée, précède l’entrée de la tente que gardent deux lions de jade. À l’intérieur un tapis en poil de chameau s’étend sur le sol, et le jour apaisé est plein de sourds reflets d’or sous les murs de satin jaune. Là, sur un trône de marbre noir, Ta-Kiang, la joue dans sa main, songe et construit l’avenir. Son costume est celui des antiques Chinois. Il a abandonné les vêtements tartares ; il est vêtu comme l’étaient Fou-Shi et Kong-Fou-Tze. Sur une robe lilas pâle, aux plis fins et réguliers, il porte une longue tunique en crêpe soyeux, entr’ouverte sur la poitrine et serrée à la taille par une ceinture qui disparaît dans l’ampleur souple de l’étoffe. Comme il est empereur, la tunique est jaune d’or ; une bande de broderies délicates, où les dragons se mêlent aux fleurs, l’ourle et remonte sur la poitrine en se croisant. Il n’a plus la tête rasée à demi ni la longue natte pendante. Ses cheveux sont enfermés dans une coiffure de satin jaune ayant presque la forme d’un casque, et sur son front brille un saphir énorme. Ses armes sont près de lui : la lance, les deux sabres et le fouet de commandement. Des mandarins l’entourent et attendent, prosternés, qu’il parle. On voit parmi eux les principaux affiliés de