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ceux qui ne sont pas nés de crimes ou d’adultères et ne roulent pas dans leurs veines de sang ennemi, viennent s’abriter sous les plis somptueux de ma bannière et hurlent avec moi : En haut les, Mings ! en bas les Tsings ! » Et la grande voix de Ta-Kiang a roulé d’écho en écho. Des émissaires enthousiastes ont porté sa parole dans les provinces malheureuses. Bientôt un flot d’hommes farouches s’est ébranlé, et, comme un grand fleuve qui déborde, les guerriers se sont avancés, renversant les cités, entraînant les populations, toujours plus nombreux, toujours plus terribles. Derrière eux les maisons s’écroulent et fument, les champs sont rasés et stériles. Après avoir pris Hang-Tchéou, capitale du Tché-Kiang, cette belle ville qui fut la résidence impériale sous la dynastie des Song, renversé Lui-Fon-Ta, la Tour des Vents Foudroyants ; après avoir enjambé la Rivière Tortueuse, ils ont marché vers le port de Ning-Po-Fou, qu’ils ont surpris la nuit : ils ont jeté les soldats dans le Lac de la Lune et les marchands dans l’Étang du Soleil. Ensuite ils ont campé pendant deux jours dans l’Île aux Buffles, en face de Can-Pou, nommée aussi la Porte Étroite ; lorsqu’ils s’éloignèrent, Can-Pou n’était plus qu’un monceau de cendres. Sur les côtes effrayantes de la Mer Jaune ils recrutèrent de hardis pirates et s’enfoncèrent avec eux dans la province voisine. En même temps, sur les rives de la Rivière du Dragon, les fils indomptables du Fo-Kien, qui ne voulurent jamais se soumettre aux usurpateurs tartares ni adopter la natte pendante exigée par la mode nou-