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— Ah ! dit le vieillard ; cependant, puisque ton affiche n’est pas retirée, tu n’as pas encore fait choix d’un locataire ; j’espère que, par égard pour mon âge, tu me donneras la préférence.

— Ton âge est en effet vénérable, dit Sin-Tou ; mais, étant pauvre, je ne puis me permettre d’être généreux. Je livrerai ma maison à celui qui m’en offrira le meilleur prix.

— Je suis pauvre aussi, dit le vieillard. Je suis de Kan-Ton, et je me nomme A-Po. Voici la mère de mes trois fils.

Le propriétaire salua la vieille femme.

— Mes trois fils, reprit A-Po, extraient du fer dans les montagnes qui avoisinent Gé-Ol. Chacun d’eux m’envoie un tiers du minerai qu’il récolte chaque jour. Je me charge de le vendre, et c’est ainsi qu’est soutenue ma vieillesse.

— Le fer est d’un bon rapport, dit Sin-Tou ; les riches s’en servent pour rendre non abordables les portes de leurs palais ; ils en font des lions qui ornent leurs jardins et des dragons qui hérissent leurs toitures ; les guerriers ont besoin de sabres et de lances, et le peuple ne peut se passer d’ustensiles solides. Le fer, heureux vieillard, est aussi précieux que l’or.

— Il faudrait pour bien vendre, dit A-Po, avoir l’activité de la jeunesse et l’habitude du commerce. Les grands marchands écrasent les petits ; ils accaparent les débouchés, et lorsqu’on arrive après eux chez les acheteurs, ceux-ci vous répondent : « Nous n’avons besoin de rien. »