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— Ah ! dit-il, la statue est détruite, mais voici le tigre renversé, et le socle est encore debout.

— Prends garde, fit Yu-Tchin ; vois comme les dalles sont fendillées et branlantes autour du piédestal.

Ko-Li-Tsin s’avança lentement et prit à sa ceinture les deux clefs d’or.

— Pourvu que la serrure se trouve de ce côté ! dit-il ; de l’autre l’encombrement des toits croulés nous empêcherait d’y atteindre.

Tout à coup la dalle sur laquelle Ko-Li-Tsin posait le pied bascula, et le poète disparut dans une ouverture qui fut aussitôt refermée par la chute du socle et d’un gros tas de pierres.

Yu-Tchin hurla d’épouvante et de désespoir. Elle se jeta par terre, essayant de ses mains, de ses dents, de ses ongles, de redresser le piédestal, et criant de toute son haleine : « Ko-Li-Tsin ! » Mais rien ne lui répondait ; le silence avait succédé au retentissement bruyant, occasionné par l’engloutissement du poète.

Folle de douleur, Yu-Tchin saisit la pioche et frappa avec frénésie. Pendant une heure elle travailla à déblayer l’entre-bâillement obstrué ; de temps en temps elle gémissait : « Ko-Li-Tsin ! » Enfin elle crut entendre une voix lointaine qui murmurait : « Par ici ! »

— Me voilà ! cria-t-elle.

Attachant la lanterne à sa ceinture, elle continua à écarter les blocs de pierre. Bientôt la voix de Ko-Li-Tsin devint plus distincte.