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Un jeune bonze de Na-Ian écrivait ses songes, sous les treillis du Pavillon Rouge. Sur la plus haute terrasse de la Tour à Neuf Étages une jeune fille écrivait aussi ses songes.

Le rêve du jeune prêtre était tendre ; celui de la jeune fille était doux.

J’ai conduit les deux rêves l’un vers l’autre, comme deux époux timides.


— Voici, s’écria Lou, le plus élégant poème que je connaisse, et j’annonce un glorieux avenir à celui qui l’a écrit.

— Ne parle pas de mes vers, dit Ko-Li-Tsin ; ils semblent être ceux d’un enfant auprès des tiens. Tu me vois encore immobile d’admiration.

— Non, dit Lou avec gravité ; ton poème vaut mieux que le mien, et si l’empereur l’avait sous les yeux il te ferait certainement un des premiers de l’Empire.

En parlant ainsi, le seigneur Lou regardait fixement Ko-Li-Tsin ; ses sourcils s’étaient dressés, son visage avait pris une expression de noblesse et de majesté peu conciliable avec sa condition modeste : Ko-Li-Tsin frissonna.

Lou prit sa tête dans ses mains et songea longuement.

— Où donc ai-je vu cet homme ? murmura-t-il.

Tout d’un coup il releva le front, bondit sur son siège et cria :

— Je me souviens ! c’est celui qui a voulu m’assassiner !

Mais Ko-Li-Tsin n’était plus en face de lui.