Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le prêtre frappait la terre de son front.

— Tu me trahis, continua la voix ; mais je te pardonnerai si tu consens à te repentir et à faire ce que je t’ordonnerai.

— Ordonne, dit le bonze épouvanté, et pardonne-moi mes erreurs.

— L’empereur aimé du ciel, reprit la voix, c’est Kang-Shi au règne glorieux. Votre empereur rebelle est envoyé par les mandarins de l’enfer. Cesse d’encourager la révolte que tu allumes dans la ville, et soumets-toi au vrai maître de l’Empire ; sinon d’affreux malheurs te tortureront. Voilà ce que j’avais à te dire. Retire-toi.

Le bonze fut entièrement converti, et le germe de la révolution fut étouffé dans la Capitale.

— Tu vois bien, dit le seigneur Lou, que j’avais raison de dire que les Bouddhas protègent l’empereur Kang-Shi.

— Tu aurais eu raison en disant que l’empereur se protège lui-même, reprit le pa-tsong. Vous n’ignorez pas, continua-t-il en s’adressant à tous les buveurs attentifs, que Kang-Shi se plaît à sortir quelquefois de son palais pour se promener seul et déguisé dans la ville et se mêler aux groupes des oisifs. Eh bien ! un soir, l’empereur est sorti de la Ville Rouge ; il s’est dirigé sans être vu vers le Temple de l’Agriculture ; il a attendu un instant où il ne passait personne ; alors, se faisant le plus petit qu’il a pu, il s’est blotti dans l’énorme cloche de bronze ; et voilà pourquoi il a été donné au grand bonze de converser avec le Pou-Sah de la cloche.