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et vulgaire. Les caractères s’alignaient en colonnes tortueuses. Elle était ainsi conçue :

« Grand poète et maître souverain, c’est moi qui ai lancé une flèche sans pointe contre la cigogne, après m’être exercée au tir pendant plusieurs jours ; je voulais emporter l’oiseau chez moi et l’habituer à ma maison. Je lui ai donc présenté une compagne de son goût. Maintenant il rentrera chaque soir au soleil couchant dans ma demeure ; mais, comme je ne lui donnerai jamais à manger, c’est vers toi qu’il ira chercher sa nourriture. De la sorte, nous pourrons correspondre. Je ne peux pas vivre sans toi ; j’ai failli devenir folle quand j’ai vu qu’on t’emmenait. Je t’ai suivi, criant et pleurant. Les soldats se moquaient de moi. À force de ruse je suis parvenue à voir le geôlier ; je lui ai donné mes bijoux, et il m’a dit que tu étais au sommet de la tour. Alors j’ai cherché à te voir de la rue ; mais tu ne sortais pas et j’avais peur des sentinelles. Enfin, un jour je t’ai vu, j’ai compris que tu étais guéri, et j’ai imaginé de prendre la cigogne pour t’envoyer une lettre. Dis-moi ce que je puis faire pour te tirer de cette affreuse tour. Que veux-tu que je devienne, mon époux étant au ciel et moi sur la terre ?

« Au glorieux Ko-Li-Tsin, son esclave humble et agenouillée,

« Yu-Tchin. »

— Bonne créature, dit le poète, comme elle m’aime ! j’en ferai certainement mon épouse du