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Nul n’est au-dessus de moi. L’oiseau qui s’envole d’auprès de moi descend.

Je vois le monde comme doivent le voir du haut des Nuages les Sages immortels.


— Ces vers, ajouta Ko-Li-Tsin, révèlent une certaine pente vers des idées sérieuses. Pendant que je suis tranquille et solitaire, je vais enfin composer mon grand poème philosophique ; et je pourrai accomplir le rêve de ma vie.

Cependant la cigogne tournoyait au-dessous de la terrasse, inquiète, n’osant revenir. Ko-Li-Tsin rentra sans bruit dans sa cellule.

— Je ne veux pas l’effrayer, dit-il ; elle pourra devenir pour moi un compagnon agréable.

L’oiseau se posa sur la balustrade dès que la terrasse cessa d’être occupée.

— Fort bien ! pensa Ko-Li-Tsin. Et, derrière les vitres de corne transparente, il faisait à la cigogne mille signes amicaux. Elle y fut apparemment sensible, car lorsque le poète, lentement et d’un air doux, mit de nouveau le pied sur la terrasse, elle ne s’envola point. Le lendemain, elle poussa la condescendance jusqu’à permettre à Ko-Li-Tsin de lui caresser les ailes. Reconnaissant, il lui récita des vers et inventa sur la blancheur des cigognes mille comparaisons gracieuses. À partir de ce moment le poète et l’oiseau furent deux amis. Ils prenaient leur repas ensemble. Souvent la cigogne, à cause des grands vents, dormait dans la cellule de Ko-Li-Tsin. Le cachot et le ciel se mêlaient.