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Ko-Li-Tsin était trop faible pour se lever. Il resta plusieurs jours sur sa couche, abattu et fiévreux.

— Ta-Kiang est sauvé, pensait-il ; il sera empereur, et moi je vais mourir ici, sans gloire ; la fille du gouverneur du Chen-Si ne me pleurera même pas.

Affaibli par la perte de son sang, triste pour la première fois de sa vie, le poète se laissait aller à un engourdissement profond ; il ne s’éveillait guère qu’une fois par jour : c’était quand le geôlier, vers la douzième heure, lui apportait une maigre pitance.

Cependant, après quinze jours de prostration complète, il sentit la vie revenir et l’appétit renaître. Au moyen de quelques liangs d’argent il obtint du geôlier une nourriture supportable et des remèdes pour ses blessures. Bientôt il vit les longs ongles de ses mains noircir et tomber un par un. Il ne souffrait plus ; les plaies de ses reins étaient cicatrisées. Un jour, sentant sa poitrine avide d’air pur, il ouvrit la porte de sa cellule et mit le pied sur la terrasse. Un grand oiseau blanc perché sur la balustrade de porcelaine, s’envola bruyamment.

— Tiens ! dit Ko-Li-Tsin, les cigognes sont arrivées. Voici venir l’automne, la saison des vents furieux. Et il se remémora ces vers d’un poète qu’il aimait :


Les sauterelles vertes poussent en même temps que le blé ; ainsi, dans la belle saison, les jeunes gens boivent et folâtrent.