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Les bonzes s’arc-boutèrent aux socles des statues et bientôt de mainte partie de l’édifice descendit une masse énorme et brillante.

Les soldats restaient atterrés sous cette pluie formidable de Dieux d’or. Le plus profond silence régnait parmi eux. Aucun gémissement ne s’élevait, car ceux qui étaient atteints ne criaient plus.

Cependant, après quelques instants d’effroi, les Tigres de guerre et les archers reprirent courage, recommencèrent l’ascension, et bientôt des mains s’accrochèrent aux rebords de la terrasse. Les premières furent abattues à coups de hache ; mais un soldat mit le pied sur la plate-forme. Un bonze, s’élançant vers lui, l’enlaça ; ils luttèrent quelques minutes au bord de la terrasse ; puis, s’entraînant mutuellement, roulèrent ensemble sur les épées aiguës des Tigres de guerre. D’autres soldats succédèrent au premier et, Ko-Li-Tsin, appuyé à la muraille, se disait : « Je suis à bout. » Ses blessures, aggravées par la fatigue, saignaient. Il sentait ses forces et sa vie s’en aller avec son sang ; ses yeux troublés ne distinguaient plus les bonzes des guerriers impériaux. Alors une voix tremblante, la voix de Yu-Tchin, dit à son oreille : « Tes amis sont sauvés. »

— Ah ! dit Ko-Li-Tsin en fermant les yeux.

Il entendit encore les cris de triomphe des Tigres de guerre et les soupirs des bonzes égorgés. Puis il s’évanouit entre les bras des soldats qui le chargeaient de chaînes.