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TA-KIANG SE RÉVOLTE CONTRE LA TERRE

chir les rivières comme un chat sauvage ; ses petites mains étroites, un peu maigres, aux ongles plus longs que les doigts, étaient certainement capables de tisser des toiles d’araignées ou de broder une pièce de vers sur la corolle d’une fleur de pêcher.

Comme lui-même, ses vêtements étaient clairs, pailletés, vivaces : sur deux robes de crêpe grésillant il portait un surtout en damas rosâtre qu’ourlait une haute bordure de fleurs d’argent et que serraient à la taille les enlacements d’une écharpe frangée, d’où pendait un petit encrier de voyage à côté d’un rouleau de papier jaune ; un grand collet de velours tramé d’argent lui couvrait les épaules, et, sur son chapeau de velours noir, à grands bords relevés, qu’ornaient un effilé rouge et une mince plume verte, le bouton de corail rose uni des lettrés de première classe se dressait fièrement comme la crête d’un jeune coq.

Quant à ses noms, qu’il devait à son bon goût, car le fait de son existence était la seule chose par laquelle il fût induit à croire qu’il avait probablement eu des parents, ils se composaient de trois syllabes aimables qui faisaient le bruit d’une petite pièce d’argent remuée dans un plat de cuivre, et son métier, si l’on peut dire que Ko-Li-Tsin eût un métier en effet, était celui des gens qui n’en pratiquent point d’autre que de causer agréablement à tout propos et d’improviser des poèmes chaque fois qu’un sujet favorable se présente à leur esprit. Son enfance avait joué dans les rues d’un village, profitant sans ennui des leçons d’un vieux lettré chari-