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mée que tu auras conquise. Aujourd’hui nous avons fait une faute. Si le sabre n’a pas atteint le cœur de l’ennemi, c’est que le sabre avait été confié à une main faible et indigne. Désormais que les femmes ne soient plus mêlées aux graves travaux. J’ai parlé.

— Maître, dit Ko-Li-Tsin, si tes ordres ne sont pas exécutés, c’est que je serai mort ou prisonnier.

Les trompes guerrières se firent entendre dans le lointain.

— Voici les Tigres de guerre ! s’écria le poète ; il n’est plus temps de fuir ; nous sommes perdus.

Ta-Kiang lui lança un regard courroucé.

— Ne dis jamais devant moi qu’il n’est plus temps.

— J’ai tort, répondit Ko-Li-Tsin en baissant la tête. Le Dragon est invincible.

— Le Dragon peut être vaincu par le Dragon, dit le bonze ; hâte-toi, Ta-Kiang ! je te suivrai ; car à ma voix les couvents et les pagodes se lèveront. Les soldats viennent du côté de l’Est, ajouta le prêtre ; fuyons par la porte occidentale. Toi, Ko-Li-Tsin, défends la pagode, occupe les soldats afin qu’ils ne nous poursuivent pas.

— Oui, dit le poète.

— À présent, au revoir ! Tu verras bientôt flotter la bannière du Lys Bleu.

L’empereur et le Grand Bonze descendirent les trente-deux marches d’un étroit escalier, montèrent à cheval et s’éloignèrent au galop, suivis d’une petite troupe de cavaliers armés qui portaient des lanternes.