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Elle se courba pour passer par l’ouverture, puis sauta sans hésiter.

Ko-Li-Tsin, à son tour, se baissa, et, après avoir difficilement rampé, parvint à s’asseoir sur le rebord extérieur de la fenêtre.

— Laisse-toi glisser lentement, dit Yu-Tchin.

Ko-Li-Tsin essaya un mouvement.

— Oh ! non, dit-il, le mur frôlerait trop rudement la plaie cruelle de mes reins.

— Comment faire ? dit-elle avec désespoir.

— Attends.

Le poète, s’aidant de ses coudes, se retourna et se mit sur le ventre, puis il s’efforça de descendre. La manœuvre d’abord fut aisée ; mais lorsqu’il ne se tint plus à la fenêtre que par les coudes, il hésita ; une sorte de vertige le prenait ; il sentait qu’il lui faudrait se cramponner avec ses mains horribles, avec ses mains incapables de saisir, et qu’il sentait, si lourdes et si douloureuses, se crisper malgré lui.

— Tombe, disait Yu-Tchin, je te retiendrai.

Ko-Li-Tsin ferma les yeux. Il lui semblait que tout tourbillonnait autour de lui. Il se laissa tomber, étourdi, effaré.

Au moment où son poids l’entraînait dans le lac, elle le saisit, et il se trouva assis sur la petite banquette d’un bateau qui faisait mille soubresauts, comme s’il eût été sur les vagues orageuses de la mer.

Yu-Tchin prit la godille et se hâta d’éloigner l’embarcation.

— Tu es sauvé ! dit-elle en sanglotant de joie.