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est impossible que la robe glorieuse reste plus longtemps sur le dos de ce meurtrier infâme.

Tous se ruèrent vers Koang-Tchou, qui se débattit furieusement. La robe couleur d’or s’empourprait dans le noble sang de Ko-Li-Tsin. Enfin le mandarin, dépouillé de sa splendeur, apparut dans une robe de dessous, étroite, qui se tendait sur son ventre puissant.

— Faites-lui subir la torture, et qu’il dénonce ses complices, dit le juge. Aucun supplice ne sera assez dur pour lui.

Koang-Tchou regarda avec mépris celui qui était son inférieur quelques instants auparavant.

— Tu n’auras pas la joie de me faire souffrir, dit-il, car je hais mes amis presque autant que je hais leurs ennemis. Pour échapper bientôt à votre odieuse compagnie, je les trahirai sans attendre la torture.

— Parle donc, lâche ! s’écria le magistrat.

— Voici, dit Koang-Tchou. Il s’est formé une société révolutionnaire dont le but est de renverser la dynastie des Tsings. Elle se nomme la secte du Lys Bleu. De puissants bonzes en sont les chefs ; ils ont élu un empereur sous le nom de Ta-Kiang au Règne aimé du Ciel. Un laboureur ! ajouta le mandarin d’une voix ironique. Celui qui a frappé Kang-Shi ne porte pas son vrai costume ; c’est une femme, une concubine de Ta-Kiang. Comment a-t-elle disparu de la Salle du Repas ? Je l’ignore. Celui qui s’est fait prendre pour elle se dit le poète ; il est tout dévoué au laboureur. Le cœur de la révolte