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bridés laissaient filtrer des éclairs de rage haineuse ; sa bouche épaisse se crispait de dédain dans sa face glabre. Il portait encore la robe couleur d’or et le manteau de cérémonie. Il jeta un regard rapide sur le tabouret sanglant et sur le sol jonché de lambeaux de chair. Bien qu’il demeurât impassible en apparence, il sentait l’effroi faire pâlir son cœur.

— Tu déshonores le Dragon à Cinq Griffes qui se tord sur ta poitrine, dit le juge dès que le mandarin fut devant lui ; tu souilles la couleur impériale et tu rends odieux le globule de saphir. Arrachez-lui ses insignes d’honneur, ajouta-t-il.

Deux gardes s’approchèrent de Koang-Tchou et portèrent leurs mains sur l’agrafe de sa robe. Mais, avec un grincement de dents, le mandarin les saisit à la gorge, chacun d’une main, si violemment que ces hommes, la face soudainement empourprée, chancelèrent. Koang-Tchou les lâcha alors en les poussant rudement. Les yeux sanglants, les bras étendus, ils tombèrent en arrière, et leurs crânes éclatèrent sur les dalles avec un bruit atroce.

Les gardes, poussant un cri d’horreur, se précipitèrent vers leurs compagnons expirants, et s’agenouillèrent près d’eux. Le juge était devenu blême sur son trône de laque.

— Monstre, cria-t-il, sacrilège ! que le Ciel me pardonne d’avoir vu cela ! L’empereur est outragé, et le Dragon Sacré devient complice d’un assassin. Garrottez cet homme. Arrachez-lui ses vêtements ; il