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Et quand je ne serai plus qu’une boue sanglante, les lâches oreilles penchées vers mes débris fumants n’entendront aucun souffle traître.

Ainsi, juge vénérable, prépare tes instruments, remplace dans les sentences des Sages Compassion par Cruauté,

Et que tes rêves soient sereins.


— Nous allons voir, dit le juge en faisant un signe.

Deux bourreaux s’emparèrent de Ko-Li-Tsin et le dépouillèrent de ses vêtements ; puis on le lia au tabouret de marbre. Un homme qui tenait un pinceau et un rouleau de papier s’assit à quelques pas.

— Tu peux jeter tout cela, dit le poète.

Les bourreaux lui saisirent les mains et introduisirent sous chacun de ses ongles une lame aiguë de bambou.

— Remarquez, dit Ko-Li-Tsin, que mes ongles sont aussi beaux et aussi longs que ceux d’un prince. Vous allez les briser et les rendre semblables à ceux d’un homme vulgaire qui s’occupe de vils travaux. N’importe, faites.

Les bourreaux frappèrent avec de petits maillets sur les lames de bambou, qui s’enfoncèrent cruellement dans les doigts du poète.

Il crispa ses orteils, ouvrit sa bouche, mais il lisait les sentences des philosophes en or sur le mur noir.

Lorsque de chacun de ses doigts s’élança un jet