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Voyons, ajouta-t-il, si je saurai lire sur son visage quel est le côté de son caractère le moins fortifié. Bon ! elle n’est plus très jeune ; et cependant son visage est soigneusement fardé. Je vais lui dire que ses yeux ont rendu mon cœur malade ; c’est toujours d’amour qu’il faut parler aux femmes qui ne sont plus capables d’en inspirer.

Il entra. La femme poussa un cri plein de coquettes terreurs.

— Tais-toi ! dit Ko-Li-Tsin d’une voix tendre ; ne me fais pas payer de ma vie l’imprudence que j’ai commise pour te voir.

— Qui es-tu ? Comment es-tu entré ?

— Je ne sais ce que je suis depuis que je t’ai vue, car je n’ai plus d’âme ; autrefois j’étais un riche marchand de sabres. J’ai franchi le fossé, escaladé la muraille ; pour venir vers toi j’ai des ailes.

— Yu-Tchin, pourtant, ne te connaît pas, dit-elle en baissant les yeux.

— Non. Il y a cependant bien longtemps que je te poursuis, ingrate Yu-Tchin ! Chaque jour j’allais cueillir pour toi des pivoines rouges et blanches ; mais elles se fanaient sans que je pusse te rencontrer. Aujourd’hui je t’en apportais, mais elles sont tombées dans le fossé.

— Vraiment ? dit-elle en penchant la tête, et souriante.

Ko-Li-Tsin se rapprocha et lui prit la main, non sans tendresse.

— Ah ! grands Pou-Sahs ! s’écria Yu-Tchin, entends-tu ces pas ? Je suis perdue ! Surprise par les eunu-