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sculpté. Dans des armoires, parfumées de musc et de camphre, sont suspendues de splendides fourrures ; des peaux de renard noir, de renard bleu, de lynx, de cerf, de pélican, d’astrakan, de rat de Chine et de dragon de mer, ce velours vivant, doublent les vestes miroitantes, les robes somptueuses et les manteaux princiers, ornent les bonnets de cérémonie, ou se déroulent en tapis profonds dans des chambres où sont glorieusement amassés des trophées, des chariots aux roues massives, des sabres ciselés, des arcs de laque, des lances, des piques et des canons pris à l’ennemi.

De la Cour de la Splendeur, par le Portail du Ciel Serein, on pénètre dans le jardin de la Sérénité, où se déroulent des confusions adorables de collines, de labyrinthes, de rochers artificiels, de ponts légers, de lacs étoilés, de nénuphars roses ; et l’on y voit l’Arbre Coupable, qui, mort et sec depuis longtemps, porte encore de lourdes chaînes ; car il n’a pas refusé ses branches au suicide du dernier empereur de la dynastie des Mings.

Au centre du jardin, entre deux lacs limpides, se dresse, vaste et resplendissant, le Palais du Fils du Ciel. Il ressemble à une gigantesque touffe de fleurs, avec ses toits revêtus de marbres et de porcelaines aux couleurs violentes, ses colonnades en porphyre rouge incrustées d’oiseaux d’or, et les transparences d’albâtre de ses précieuses murailles où s’enchâssent des pierres fines, où circulent de délicats branchages en émail vert et bleu.

Autour de lui des kiosques innombrables et mul-