Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
le collier des jours

Ils étaient beaucoup plus grands que moi ; mais ma vie de vagabondage m’avait rompue aux exercices violents, et ils ne dédaignaient pas trop de jouer avec cette toute petite.

Un soir d’été, il faisait encore grand jour, nous étions dans le jardin, loin des personnes graves, restées à table, mes compagnons découvrirent, sous la porte cochère, une voiturette, destinée à je ne sais quel usage, et ils s’en emparèrent.

— Monte dedans, nous allons te traîner.

— Oui, répondis-je, c’est moi qui serai l’impératrice !…

Sans doute on m’avait conduite dans quelque hippodrome de foire, où j’avais vu un triomphe romain, peut-être, et de là me venait ce souvenir. En tout cas j’étais très renseignée sur cette impératrice, que je voulais être. Je dérangeai le ruban de mes cheveux, pour m’en faire une couronne ; je cueillis une petite branche qui fut le sceptre, et je me tins debout dans la voiture. Mes camarades s’attelèrent avec des cordes et se lancèrent au petit trot, dans les allées.

Je parvins à maintenir mon équilibre et à garder une attitude, que j’imaginais très majestueuse. Tout en courant, l’attelage se retournait, et comme je me tenais ferme, on pressa peu à peu l’allure. Au second tour du