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le collier des jours

on ne peut mieux, pour bien voir le sauvetage. La tête engagée entre les balustres, j’assistais à une scène extraordinaire.

Dans l’ombre, qui s’amassait encore plus noire sous cette pente de l’escalier et où tremblait l’étoile rousse de la lumière éclairant si singulièrement, je ne reconnaissais plus les tantes. Accroupies au bord du rond sonore, plein d’un clapotis frénétique, les cheveux tout ébouriffés, leurs chemises de nuit gonflées au vent, elles me faisaient l’effet de furies ou de sorcières. L’une tenait une lanterne, au-dessus de la citerne, l’autre s’efforçait, avec des traits crispés, d’attacher une corde à l’anse d’un panier. Enfin, on pouvait jeter cette nacelle de salut et le malheureux chat s’y accrochait, de toutes ses griffes ; mais ce n’était pas cela qu’il fallait ; quand on voulait le remonter, le panier basculait et la pauvre bête retombait. Il devait entrer dans le panier, ce qui n’était pas facile à obtenir. Les tantes se penchaient de plus en plus au risque d’aller rejoindre le chat. Tante Zoé finissait par se mettre à plat ventre le bras complètement englouti dans l’orifice noir, tandis que tante Lili l’empoignait par sa chemise pour la retenir.

— Il y est !…

Et tante Zoé se relevait, tirait vivement la corde.