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le collier des jours

Et d’une voix rouillée et mouillée il se mettait à raconter de confuses histoires, en phrases désordonnées et incompréhensibles, que j’écoutais les sourcils froncés, tant je m’efforçais pour n’en pas perdre les fils enchevêtrés.

Mais bientôt je le plantais là, au milieu de sa narration, le pauvre vieux canonnier, pour aller courir avec Nini, tandis qu’il hochait tristement sa grosse tête, et remettait dans sa bouche sa pipe éteinte.

Tante Zoé, qui était plus décidée, plus vive, était chargée des relations extérieures, des courses, des achats, de la cuisine. Tante Lili aimait mieux coudre et s’occuper du ménage. Elle y apportait un soin méticuleux et je connus là, de très près, toutes les manigances des parquets cirés, qui m’avaient toujours si fort intéressée. Un frotteur venait de temps en temps, mais il avait vraiment bien peu à faire, tellement tout était entretenu, luisant et irréprochable.

Moi seule je mettais du désordre ; j’apportais continuellement à mes semelles le sable et la boue du dehors. Tante Lili avait renoncé à récriminer ; elle me suivait pas à pas, et sans se lasser, remettait en place ce que je dérangeais ; si mes pieds avaient marqué de taches ternes les luisances intactes, aussitôt j’enten-