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le collier des jours

qu’une amie, s’expatriant, avait donnée à garder à ma mère et ne reprenait plus. Don Pierrot est le premier chat que j’aie connu chez mon père.

Tous les solliciteurs n’étaient cependant pas accueillis aussi cordialement que ces aimables Espagnoles, surtout quand ils s’avisaient de vouloir offrir un don, pour acheter la faveur…

Un jour, nous entendîmes des rugissements dans le salon, où mon père recevait un inconnu ; puis le monsieur, reconduit à coups de pieds, traversa comme une flèche l’antichambre et, poursuivi jusque sur le palier, dégringola l’escalier la tête la première.

Mon père était blême et tremblant de fureur ; il continuait à couvrir d’injures véhémentes « le misérable, qui avait osé lui offrir une somme énorme, pour louer je ne sais quoi d’idiot !… »

Dans sa colère, d’un mouvement nerveux, il avait descellé la tablette de marbre de la cheminée, avec l’idée de la jeter à la tête de cet imbécile ; la pendule et les bibelots précieux l’avaient échappé belle ! Le monsieur aussi !…

Se défendre des importuns et des solliciteurs était la grande affaire et c’était extrêmement difficile. Cet appartement, situé d’une façon si centrale, s’offrait naturellement aux visiteurs et toutes les personnalités du jour y venaient journellement saluer mon père, qui,