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le collier des jours

La maîtresse était moins farouche, cette fois ; mais la nouvelle méthode, assez vague, l’enseignement plein de distraction et de mollesse, donnèrent des résultats analogues à ceux du premier système.

Cependant, pour nous faire comprendre la grande musique, ou peut-être simplement, parce que nous étions, là, en famille, on nous conduisait souvent au Théâtre-Italien, où chantaient tous les merveilleux artistes d’alors : Gulia Grisi, Frezzolini, Borghi-Mamo, Mario, etc.

Le drame nous occupait plus que la musique, et la mort tragique de nos cousins, nous impressionnait si vivement, qu’il fallait nous conduire dans leurs loges, derrière la scène, pour que nous puissions nous convaincre, en les embrassant, qu’ils n’étaient pas morts pour de bon.

À la maison, quand nous étions seules, à nous deux, nous rejouions la pièce : Lucrezia Borgia, de préférence : affublées de châles et d’écharpes, dérobés à la garde-robe maternelle. La terrasse était ordinairement notre scène ; mais, pour bien tomber mort, sans se faire du mal, le grand lit était plus commode : et la pauvre Marianne, effarée de trouver la chambre au pillage, se hâtait, en gémissant, de remettre tout en ordre, pour nous empêcher d’être grondées.