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le collier des jours

tenu par sa main incertaine, je retrouve l’intonation de sa voix : Du cassis comme on n’en boit pas ».

J’ai supplié qu’on me laissât la voir une dernière fois : c’est impossible, elle ne parle plus, n’entend plus et ne m’apercevrait même pas. Alors je trépigne de colère contre cette inconnue implacable : la mort !…

Le matin, au dortoir, on nous éveille en nous touchant l’épaule, pour ne pas sonner la cloche. La mère Sainte-Trinité est morte dans la nuit.

La journée se passe, presque tout entière, dans la chapelle, autour du catafalque, dressé au milieu du chœur et tout illuminé de cierges. La nuit, quelques-unes des grandes, les plus pieuses, obtiennent la faveur de veiller la morte, avec les religieuses.

Et, le lendemain, pour la première fois depuis mon arrivée, la porte cochère s’ouvre toute grande, devant le corbillard qui vient du dehors. Les chevaux piaffent sur les pavés de notre cour et les bottes noires du cocher luisent. Je comprends alors la fonction de cette porte, toujours close et voilée d’un crêpe de poussière ; elle ne s’ouvre que pour laisser sortir les mortes…

C’est toujours un chagrin pour la communauté de voir ainsi rentrer, de force, dans le monde profane, la dépouille d’une d’elles, et un