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qu’elle est capable de causer la perdition, même d’un prêtre !…

Était-ce donc, alors, comme brebis égarée, qu’on cherche à reprendre par des cajoleries, qu’on me gâtait, cependant, plus qu’aucune autre ; avait-on l’idée de me conquérir à la vie monastique, pour laquelle je n’avais jamais donné aucun symptôme de vocation ? il est certain qu’on me traitait avec une indulgence spéciale.

Un jour, il y eut grande émotion dans le couvent, préparatifs de fête, tapis, guirlandes, fleurs effeuillées : l’archevêque de Paris venait visiter le couvent !

Il arriva en bel appareil, avec une suite nombreuse, et le cloître, si fermé d’ordinaire, se laissa fouler par les pas de beaucoup d’hommes.

Très curieuse de voir ce spectacle inusité, je m’étais faufilée au premier rang, en me cachant un peu, toutefois. Une des religieuses m’aperçut et, au lieu de me gronder, m’attira à elle et me poussa vers l’archevêque.

— Monseigneur, lui dit-elle, je vous présente l’espoir de la communauté.

Le prélat me tapota les joues en me félicitant ; mais j’ai toujours cherché, depuis, en quoi j’avais pu être, un seul instant, l’espoir de la communauté…