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tre. C’était là, la base initiale de mon indépendance ; j’étais étonnamment sage et laborieuse, dans le seul but d’échapper à la règle.

Cette combinaison, fruit de profondes réflexions, embarrassait beaucoup l’autorité ; sous peine de renverser l’ordre établi par elle et de rapporter ses propres décrets, elle était bien forcée d’accepter les rançons qu’elle avait fixées, et de subir mes infractions. La mère Saint-Raphaël disait « que je me déguisais en ange pour mieux faire le diable… »

Je tenais beaucoup, surtout, à quitter la classe sans permission, car cela me paraissait très humiliant de demander toujours à être autorisée, pour les actes les plus insignifiants. Pendant les quarts d’heure de repos, où l’on était à peu près libre dans la classe, je m’échappais, entrainant Catherine, quand elle avait assez de courage et était munie de bons points. Nous allions rôder dans les couloirs, à la buanderie, à la cuisine, dans le jardin des religieuses, et en tous lieux où il était défendu d’aller. Quelquefois nous montions, posément, l’escalier bien ciré qui conduisait aux appartements de la supérieure et des dames assistantes, et nous frappions à la porte de la vieille mère Sainte-Trinité, dont l’enfance sénile se réjouissait toujours de la nôtre, et nous comblait de verres de cassis et de croquignoles.