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guère ses explications : tant pis, je demanderai tout le long du chemin, les Batignolles, et une fois là, je saurai bien trouver l’impasse d’Antin.

Elle me donna des nouvelles de Marie, qui avait deux enfants ; de Sidonie, qui devait se marier. Pauline était en apprentissage pour devenir blanchisseuse ; Eugène, qui était mon frère de lait, était loin d’être grand et fort comme moi, il allait à l’école, et s’il montrait des dispositions, on avait l’idée d’en faire plus tard un mécanicien. Quant au père, il lui donnait bien du tourment, il était malade et ne travaillait presque plus : il s’en allait de la poitrine et elle était bien lasse elle-même, car il lui fallait travailler double.

Comme je revoyais toutes ces chères figures à mesure qu’elle parlait, et cette vie laborieuse et humble, et le pauvre nid, si bien ouaté pour moi de tendresse ! Je pensais au puits sonore qui me faisait si peur, au jardin de la propriétaire, à la soupente sous l’escalier où avait logé ma chèvre blanche… Pauvre Nounou !…

— Vois-tu, quand je serai grande, tu viendras avec moi, et tu ne travailleras plus.

Certainement elle viendrait près de moi, si je voulais d’elle ; mais, pour cela, je devais devenir riche, étudier sérieusement, afin d’être