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le collier des jours

coquettement habillée, ait des bas aussi mal tirés !

Je reçus le coup sans broncher, sans me retourner, continuant à marcher, comme parfaitement étrangère à ce qui motivait cette observation, mais profondément mortifiée. De pas en pas, le désastre s’aggravait, j’avais beau raidir mes mollets, la spirale s’affaissait progressivement et je sentais l’air souffler sur ma peau nue. Pour rien au monde je ne me serais arrêtée, pour remonter mes bas, il me semblait qu’il eût été déshonorant d’avoir l’air de m’apercevoir qu’ils tombaient et d’entendre les remarques, de plus en plus narquoises et piquantes.

Ces mauvaises personnes me dépassèrent pour me voir en face et jouir de ma confusion ; je me cachais à temps derrière mon ombrelle, et, tournant les talons, je me mis à courir vers la maison, où je repris mes jarretières.

Mais en ressortant, je n’étais plus aussi pimpante ; l’humiliation avait abattu l’orgueil, et je pus, dès ce jour-là, juger de la vanité des joies humaines.