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le collier des jours

péfiée par ce que je voyais : cette vieille figure bistrée, dans le rose tendre du satin semblait tout à fait noire, et il y avait de quoi faire peur.

Je n’hésitai pas à prononcer l’arrêt :

— Tante Mion, dis-je, tu as l’air de la femme du diable !…

Elle éclata de rire et m’embrassa, puis envoya la capote au fond du carton.

Bientôt, on refit la malle et les paquets, considérablement augmentés ; le gros chat tigré fut replacé dans son panier, la bonne tante d’Avignon s’en alla, comme elle était venue, et jamais plus je ne la revis.

Elle vécut longtemps, cependant, et dans ma mémoire ne s’effaça pas. Toutes les fois, qu’avec des camarades je chantais, en tournant, la ronde bien connue :


Sur le pont d’Avignon
On y danse, on y danse,
Sur le pont d’Avignon
On y danse tout en rond…


Je m’arrêtais, attristée subitement, et je me demandais si l’on pouvait apercevoir la maison de la tante Mion, de ce pont d’Avignon, sur lequel on dansait.