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neux du soleil ? » Taïko s’est endormi tranquille après avoir vu ces quelques lignes rouges ; aujourd’hui, il va se lever de son tombeau, parjure, pour te maudire.

Le vieillard, tout tremblant de colère, froissa entre ses mains le serment écrit avec du sang ; il le jeta au visage de Hiéyas.

— Mais crois-tu vraiment que nous allons te laisser ainsi dépouiller notre enfant sous nos yeux ? continua-t-il. Crois-tu, parce que tu ne veux pas rendre ce que tu as pris, que nous ne te reprendrons pas ? Les crimes que tu médites ont obscurci ton intelligence, tu n’as plus ni âme ni honneur, tu oses te tenir debout devant ton maître, devant celui que tu as voulu tuer !

— Ce n’est pas seulement à moi qu’il veut arracher la vie, dit Fidé-Yori ; cet homme, plus féroce que les tigres, a fait assassiner cette nuit mon plus fidèle serviteur, mon ami le plus cher le prince de Nagato.

Un frisson d horreur parcourut l’assemblée tandis qu’un éclair de joie passait dans les yeux de Hiéyas.

— Débarrassé de cet adversaire redoutable, pensa-t-il, j’aurai facilement raison de Fidé-Yori.

Comme si elle eut répondu à sa pensée, la voix de Nagato se fit entendre.

— Ne te réjouis pas trop vite, Hiéyas, dit-elle, je suis vivant et en état encore de servir mon jeune maître.

Hiéyas se retourna vivement et vit le prince qui soulevait une draperie et pénétrait dans la salle.

Nagato ressemblait à un fantôme, ses yeux resplendissant dit feu de la fièvre paraissaient plus grands et plus noirs que d’ordinaire. Son visage était si pâle qu’on distinguait à peine le mince bandeau blanc taché de quelques gouttes de sang qui serrait son front. Un frisson douloureux secouait ses membres et faisait