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mercie avec effusion de l’avoir ainsi délivré de l’esclavage. Mais la femme se transforme : elle devient tellement brillante que le jeune homme, ébloui, ne peut plus la regarder.

— Je suis la tisseuse céleste, dit-elle ; ton courage au travail et ta piété filiale m’ont touchée, et, te voyant malheureux, je suis descendue du ciel pour te secourir. Tout ce que tu entreprendras désormais réussira si tu ne quittes jamais le chemin de la vertu.

Cela dit, la divine tisseuse monte au ciel et va reprendre sa place dans la maison des vers à soie[1].

L’orchestre, alors, joue un air de danse. Le rideau se baisse et se relève bientôt. Il laisse voir le jardin d’une pagode avec ses bosquets de bambous, ces édifices légers, aux toitures vastes, soutenues par un enchevêtrement de poutres de toutes couleurs. Alors des scènes de pantomime se succèdent sans se lier entre elles. Les légendes religieuses ou guerrières sont mises en scène ; des héros fabuleux, des personnages symboliques se montrent dans le costume des temps anciens, les uns coiffés de la mitre en forme d’œuf, vêtus de la tunique à longues manches ouvertes, d’autres ayant sur la tête le casque antique sans cimier, avec ses ornements d’or qui protègent la nuque, ou portant une coiffure fantastique, large, haute, qui a la forme d’une pyramide d’or et est toute garnie de franges et de grelots ; ces personnages tiennent à la main des branches, des sabres, des miroirs et toutes sortes d’objets emblématiques. Mais souvent le sens du symbole est oublié, personne ne le comprend plus ; il a traversé les âges sans rien perdre de son aspect, mais il est comme un coffre fermé dont la clef est perdue.

  1. La constellation du Scorpion.