demanda la reine qui semblait prendre un vif intérêt à cette aventure.
— La lame bien affilée de mon sabre et la force de mon bras ont sauvé ma vie. Mais se peut-il que tu arrêtes ta sublime pensée sur un incident aussi futile ?
— Les assassins étaient-ils nombreux ? reprit-elle curieuse.
— Dix ou douze peut-être, j’en ai tué quelques-uns, puis j’ai lancé mon cheval, qui a bientôt mis une distance suffisante entre eux et moi.
— Quoi ! dit la Kisaki rêveuse, cet homme qui a la confiance de mon divin époux est ainsi perfide et féroce. Je partage tes craintes, Ivakoura, et de tristes pressentiments m’envahissent, mais saurai-je persuader au mikado que vos prévisions ne sont point vaines. Je l’essayerai du moins pour le bien de mon peuple et pour le salut du royaume. Va, prince, sois à la réception de ce soir ; j’aurai vu le maître du monde.
Le prince, après s’être prosterné, se releva, et, le front incliné vers le sol, s’éloigna à reculons ; il atteignit le rideau de satin. Une fois encore, malgré sa volonté, il leva les yeux sur la souveraine qui l’accompagnait du regard. Mais la draperie retomba et l’adorable vision disparut.
Les pages conduisirent Ivakoura dans un des palais, réservés aux princes souverains, de passage à Kioto. Heureux d’être seul, il s’étendit sur des coussins, et tout ému encore, se plongea dans une rêverie délicieuse.
— Ah murmurait-il, quelle joie étrange m’enveloppe ! je suis ivre. C’est peut-être d’avoir respiré l’air qui l’environnait ? Ah ! terrible folie, désir sans espoir qui me fait si doucement souffrir, combien ne vas-tu pas t’accroître à la suite de cette entrevue inespérée ! Déjà je m’enfuyais d’Osaka, éperdu, pareil à un plon-