Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— Mais il ne s’agit pas de cela, s’écria Fatkoura. Le seigneur de Nagato est porteur d’un message important qu’il voudrait faire parvenir secrètement à la Kisaki ; il s’est d’abord adressé à moi ; mais comme je ne peux approcher la reine en ce moment, j’ai songé à ta bienveillante amitié.

— Confie-moi ce message, dit Iza-Farou en se tournant vers le prince ; dans quelques instants, il sera entre les mains de notre illustre maîtresse.

– Tu me vois confus de reconnaissance, dit Nagato, en prenant sur sa poitrine une enveloppe de satin blanc dans laquelle était enfermée la missive.

— Attendez-moi ici, je reviendrai bientôt.

Iza-Farou prit la lettre et fit entrer ses hôtes dans une salle fraîche et obscure où elle les laissa seuls.

— Ces pavillons communiquent avec le palais de la Kisaki, dit Fatkoura, ma noble amie peut se rendre chez la souveraine sans être vue. Fassent les dieux que la messagère rapporte une réponse favorable et que je voie s’effacer le nuage qui obscurcit ton front.

Le prince paraissait, en effet, absorbé et soucieux ; il mordillait le bout de l’éventail en allant et venant dans la salle. Fatkoura le suivait des yeux et, malgré elle, son cœur se serrait ; elle sentait revenir l’angoisse affreuse qui lui avait arraché des larmes quelques instants auparavant, et que la présence du bien-aimé avait subitement calmée.

— Il ne m’aime pas, murmurait-elle avec désespoir ; quand ses yeux se tournent vers moi, ils m’épouvantent par leur expression glaciale et presque méprisante.

Nagato semblait avoir oublié la présence de la jeune femme ; il s’était appuyé contre un panneau à demi tiré, et paraissait savourer un rêve à la fois doux et poignant.