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l’ennemi était sur leurs talons, lorsqu’ils furent passés on ne put refermer les portes et les soldats de Hiéyas entrèrent derrière eux.

Fidé-Yori s’était enfermé avec un millier de soldats dans la troisième enceinte du château qui entourait la grande tour des Poissons-d’Or, la résidence du siogoun et quelques palais des princes les plus nobles. Il ne songeait pas à se défendre, mais seulement à ne pas se laisser prendre vivant, ni lui ni personne de sa famille. Dans une salle de son appartement, le sabre nu à la main, entre sa mère et sa fiancée, il regardait par la fenêtre ouverte, et, le front baissé, écoutait les clameurs formidables des soldats, se battant derrière la seconde muraille. Beaucoup des siens se rendaient. L’homme chargé de garder les courges dorées de Taïko-Sama, il se nommait Tsou-Gava, les brûlait devant la façade du palais, sous les yeux de Fidé-Yori.

— Tout est fini ! murmurait celui-ci. Ô vous qui êtes ce que j’ai de plus cher au monde, vous allez donc mourir à cause de moi et avec moi ! Il va falloir vous arracher la vie, pour ne pas vous laisser tomber vivantes aux mains des vainqueurs.

Il regardait son sabre nu, puis levait les yeux, sur sa mère, et sur la douce Omiti, avec une expression d’égarement.

— Il n’est donc pas possible de les sauver ? s’écria-t-il, de les laisser vivre ? Qu’importe au vainqueur pourvu que je meure !

— Vivre sans toi ! dit Omiti d’un ton de reproche. Elles étaient pâles toutes deux, mais tranquilles.

— Non, c’est impossible ! s’écria tout à coup le siogoun ; je ne veux pas voir couler leur sang, je ne veux pas les voir mortes ; c’est moi qui mourrai le premier !