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— C’est peut-être la dernière journée que nous passons ensemble, disait-il, je n’en veux pas perdre une seconde.

— Que dis-tu, seigneur ? disait Omiti, si tu meurs, je mourrai aussi, et nous serons réunis pour ne plus nous quitter.

— N’importe, disait le roi avec un sourire triste, j’aurais voulu que sur cette terre notre bonheur fut plus long. J’ai été malheureux si longtemps, heureux un si petit nombre de jours ; et toi si dévouée, si douce, tu as souffert des maux de toute sorte à cause de moi, et pour ta récompense, quand je voudrais te combler de richesses, d’honneurs, de joies, je ne puis te donner que le spectacle des horreurs de la guerre, et la perspective d’une mort prochaine.

— Tu m’as donné ton amour, répliquait Omiti.

— Oh ! oui, s’écriait le roi, et cet amour, qui était le premier, eût été le dernier ; il eût empli toute ma vie. Que ne puis-je t’emporter loin d’ici, fuir cette lutte, ce carnage ! Que m’importe le pouvoir ! il ne m’a pas donné le bonheur. Vivre près de toi, dans une retraite profonde, oublieux des hommes et de leurs ambitions criminelles, c’est la que serait la véritable félicité.

— Ne songeons point à cela, disait Omiti, c’est un rêve impossible ; mourir l’un près de l’autre, c’est une joie encore, elle ne nous sera pas refusée.

— Hélas ! s’écria le siogoun, ma jeunesse se révolte à l’idée de la mort. Depuis que je t’ai retrouvée, chère bien-aimée, j’ai oublié le dédain que l’on m’avait enseigné pour cette vie fugitive ; je l’aime et je voudrais ne pas la quitter.

À la faveur de la nuit Harounaga parvint à reprendre les hauteurs de Tchaousi qu’il avait perdues. Le géné-