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nombre. L’armée de Signénari, décimée la veille, réduite à un petit nombre d’hommes, pénétrait dans l’armée ennemie comme un navire dans la mer, mais les flots s’étaient refermés derrière elle, elle était enveloppée, captive, plus ardente que jamais cependant ; les soldats de Hiéyas crurent avoir emprisonné tempête. Les désespérés sont terribles, le carnage était effrayant ; les blessés se battaient encore, la terre inondée de sang s’amollissait, on piétinait dans la boue, on eût pu croire qu’il avait plu. Cependant dix mille hommes contre cent mille ne pouvaient tenir bien longtemps. Les héros qui entouraient le jeune chef n’étaient pas vaincus pourtant, ils ne reculaient pas, ils se laissaient tuer sur la place conquise. Mais leur nombre diminuait rapidement : bientôt il n’y eut plus au centre de l’armée qu’un énorme monceau de cadavres. Signénari, couvert de blessures, formidable, luttait encore. Il était seul, l’ennemi hésitait devant lui, on l’admirait, quelqu’un lui lança une flèche cependant, il tomba.

Hiéyas, étendu dans une litière, était sur le champ de bataille. On lui apporta la jeune tête, grave et charmante, du général Signénari ; il vit les cordons du casque coupés ; il respira les parfums dont la chevelure était inondée.

— Il a mieux aimé mourir que se rallier à ma cause, dit-il en soupirant. La victoire d’aujourd’hui m’attriste comme si c’était une défaite.

Le même jour, Fidé-Yori fit appeler Yoké-Moura et lui demanda ce qui restait à faire.

— Il faut dès demain tenter une sortie générale, répondit-il. Tous les débris d’armées réunis dans la ville forment un total d’environ soixante mille hommes auquel il faut ajouter la garnison de la forteresse, les dix