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apprendre ? Pourquoi la souveraine était-elle à Naïkou, au lieu d’être dans son palais ? Cent fois il se faisait la même question, à laquelle il ne pouvait répondre.

Enfin, il se sentit touché légèrement à l’épaule, il se leva ; un jeune bonze était près de lui ; il se mit à marcher sans mot dire. Nagato le suivit.

Ils traversèrent des bosquets de bambous, des avenues de cèdres, et arrivèrent à un large escalier de pierre, qui s’élevait entre deux talus, et sur lequel la lune jetait une blancheur neigeuse ; ils gravirent cet escalier qui conduisait à la terrasse d’une haute pagode, dont la toiture, évasée comme un lys renversé, se terminait par une mince flèche, tournée en spirale.

Le jeune bonze s’arrêta et fit signe à Nagato de demeurer où il se trouvait, puis il s’éloigna. Le prince vit alors une forme blanche sortir de la pagode et s’avancer hors de la pénombre projetée par le toit. La lueur de la lune la frappa. Il reconnut la Kisaki. Elle était vêtue d’une longue tunique de soie blanche, sans manches, tombant sur une robe de toile d’or. C’était le costume de la grande prêtresse du Soleil.

— Reine ! s’écria le prince en s’élançant vers elle, suis-je la proie d’un rêve ? ce costume…

— C’est le mien désormais, Ivakoura, dit-elle. J’ai déposé ma couronne, je me suis rapprochée du ciel. Cependant, par une dernière faiblesse, j’ai voulu te revoir une fois encore, te dire adieu pour toujours.

— Ah ! parjure ! s’écria le prince, voilà donc comme tu tiens tes promesses !

— Viens, dit la reine, la nuit est douce, quittons ce lieu découvert.

Ils s’engagèrent dans une longue allée bordée de buissons, pleine d’une brume argentée.

— Écoute, dit-elle, ne me condamne pas sans m’en-