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nait le roi ; ma mémoire en avait dénaturé la divine musique.

Quelquefois ils montaient dans un petit bateau, et d’un coup de rame gagnaient le milieu de l’étang. Sur le bord un grand saule laissait pendre vers l’eau les longs plis de ses draperies vertes, des iris perçaient le miroir liquide de leurs feuilles rudes, les nénuphars s’étalaient à la surface. Les deux fiancés jetaient une ligne. L’hameçon s’enfonçait en faisant une série de cercles sur l’eau. Mais le poisson avait beau mordre, la légère bouée restée à la surface de l’étang avait beau danser une danse désordonnée, ils n’y prenaient point garde ; d’un bout du bateau à l’autre, ils se regardaient passionnément. Quelquefois, cependant, ils s’apercevaient que le poisson les narguait, alors leur rire clair éclatait, se mêlant aux chants des oiseaux.

Il avait vingt-trois ans, elle dix-huit.

C’était Omiti pourtant qui parfois s’inquiétait de la guerre.

— N’oublie pas auprès de moi tes devoirs de roi, disait-elle. N’oublie pas que la guerre nous menace.

— Ton cœur est en paix avec le mien, disait Fidé-Yori ; que parles-tu de guerre ?

D’ailleurs le siogoun pouvait sans danger s’absorber dans son amour. Le prince de Nagato le remplaçait. Il avait organisé la défense, s’était efforcé de mettre d’accord les généraux, qui se haïssaient mutuellement, et ne songeaient qu’à se contrarier les uns les autres. Harounaga surtout lui donnait mille soucis. Il avait interdit à ses soldats de travailler au creusement du fossé autour du château.

— C’est un travail d’esclaves, disait-il, et vous êtes des guerriers.

Les soldats des autres cohortes, ne voulant pas être