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le bas de sa robe était trempé. Elle se sentait transie de froid.

— Arriverai-je au but de ma course ? se disait-elle.

Une autre rue se présenta, croisant la première ; quelques lumières y brillaient. Omiti s’engagea dans cette rue.

Sans le savoir, la jeune fille traversait le plus ignoble quartier de la capitale. Les voleurs, les femmes de mauvaise vie, les vauriens de toute espèce le hantent et l’habitent. On y voit aussi une espèce d’hommes particulière : les Lonines. Ce sont des jeunes gens, nobles quelquefois, entraînés par la débauche au dernier degré de l’ignominie. Chassés de leurs familles ou destitués de leur emploi, mais conservant le droit de porter deux sabres, ils se réfugient au milieu des réprouvés, se livrent à toutes sortes d’industries honteuses, assassinent pour le compte des autres, sont chefs de bandes et disposent d’une grande puissance au milieu de cette horde de misérables. Quelques heures plus tôt, il eût été impossible à la jeune fille de traverser ce quartier sans être assaillie, insultée, entraînée de force dans un des mauvais lieux qui le composent. Par bonheur, la nuit était avancée, les rues étaient désertes.

Mais un autre obstacle attendait Omiti : le quartier était fermé par une barrière, qu’un homme gardait. Comment se faire ouvrir la porte a une pareille heure ? Quel prétexte fournir au gardien soupçonneux et probablement rébarbatif ? Omiti songeait à cela tout en marchant.

Elle aperçut bientôt au bout d’une rue la barrière de bois que plusieurs lanternes éclairaient ; elle vit la cahute faite de planches qui abritait le gardien.