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avait été amortie, Omiti se releva, elle ne ressentait aucune douleur hormis une subite lassitude. Après avoir secoué la neige qui la couvrait tout entière, elle traversa le jardin et gagna la palissade. Par bonheur la porte n’était fermée que par un grand verrou rond ; après quelques efforts Omiti parvint à le tirer.

Elle était sur la plage, hors de cette maison funeste, libre enfin ! Le vent violent de la mer, dont elle entendait le grondement monotone, la frappait au visage. Elle se mit à courir, s’enfonçant jusqu’à la cheville dans l’épaisse couche de neige, la soulevant en poussière.

Elle avait une si grande hâte d’être loin de l’auberge, qu’au lieu de tourner l’angle de la maison et de prendre la rue sur laquelle s’ouvrait la façade, elle suivit la palissade du jardin, qui cessa bientôt et fut remplacée par un mur bordant un autre enclos.

— J’entrerai dans la ville par la prochaine ruelle qui s’ouvrira sur la plage, pensait Omiti.

Elle atteignit une sorte de carrefour, ouvert du côté de la mer, bordé de l’autre côté d’un demi-cercle de huttes misérables, qu’elle apercevait confusément sous leurs capuchons de neige. Au centre, accrochée à un poteau, une lanterne allumée faisait une tache sanglante qui tremblotait. Cette lueur éclairait mal. La jeune fille fit quelques pas dans le carrefour ; mais soudain elle recula avec un cri d’horreur ; elle venait de voir au-dessous de la lanterne une face effrayante qui la regardait.

Au cri poussé par la jeune fille, d’autres cris répondirent jetés par d’innombrables corbeaux qui, réveillés brusquement, s’envolèrent et se mirent à tournoyer d’une façon incohérente. Omiti fut tout enveloppée de ce vol sinistre. Immobile de terreur, elle se croyait