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chaque côté de l’entrée ; un petit auvent les protège. Les triples toitures de l’habitation semblent couvertes de chaume argenté.

Cet édifice, c’est la maison de thé du Soleil levant. C’est là qu’Omiti, depuis de longs jours, subit la destinée cruelle qui lui est imposée. Elle soufre, mais silencieusement, avec une résignation fière qui n’accepte ni consolation ni pitié. Elle s’est sacrifiée pour sauver le maître du royaume, et se soumet sans murmurer aux conséquences du sacrifice. Seulement elle pense, quelquefois, qu’il eût été plus clément de la tuer. Elle ne désire pas revoir le roi, bien qu’elle n’ait pas cessé de l’aimer. Son amour est né d’une rêverie de jeune fille. Avant qu’elle eût jamais vu Fidé-Yori, ce prince jeune, que l’on disait charmant et plein de douceur, traversait ses rêves, et le jour, tout en brodant, elle songeait à lui. Lorsqu’elle surprit l’horrible complot qui menaçait la vie de celui qui emplissait sa pensée, elle crut mourir d’épouvante, mais la volonté de le sauver lui avait donné l’énergie et le courage d’un héros. Dans son entrevue unique avec le roi, près du bosquet de citronniers, elle avait compris que son cœur ne s’était pas trompé et qu’elle n’aimerait jamais que lui. Mais l’idée qu’il pût l’aimer ne lui était même pas venue, sa modestie l’avait écartée, et depuis que, vendue pour le plaisir de tous, elle était tombée au dernier rang de la société, la pensée de reparaître devant Fidé-Yori lui faisait honte.

Souvent, de riches marchands de la ville amenaient leurs femmes à la maison de thé pour leur faire passer quelques heures dans la compagnie des courtisanes. Ces dernières leur enseignaient les belles manières, l’art de jouer du semsin et de composer des vers. Quelquefois la femme du monde, accroupie en face